Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/12

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Or, on le sait bien, l’antipatriotisme vraiment syndicaliste était surtout une forme exaspérée, crue, aiguë, de l’antiétatisme ouvrier, une manière carrée et brutale de rompre en visière au loyalisme gouvernemental, à ce gouvernementalisme bourgeois qui comme l’a si bien dit Proudhon, est la ransformation de la guerre-pillage, et qui, sous la forme monstrueuse, absurde et ruineuse de la paix armée, est le meilleur système d’exploitation que la Ploutocratie ait découvert pour saigner les peuples à blanc. Il faut lire à ce propos les tout à fait sagaces et pénétrantes réflexions de M. Pareto dans l’Indépendance du 1er mai 1911, dans son article Rentiers et Spéculateurs : « Un des phénomènes les plus singuliers de notre temps, écrit-il, est celui des armements toujours croissants auxquels se livrent les peuples civilisés, sans jamais se faire la guerre. Ils la préparent toujours, mais n’y arrivent jamais. L’intérêt des spéculateurs et entrepreneurs est qu’on dépense le plus possible pour les armements, parce que ces dépenses se font par leur entremise ; mais ils redoutent la guerre, parce qu’elle peut déplacer le centre du pouvoir politique. Un général victorieux, s’appuyant sur son armée, pourrait bien être tenté de leur rogner les ongles… Il est aussi remarquable que les mêmes personnes, qui votent des sommes toujours croissantes pour les armements, cherchent d’autre part à détruire l’esprit militaire. On dirait que leur but est d’avoir le plus de canons et de cuirassés possibles et le moins de marins et de soldats ». En effet, et cet admirable système s’est surtout développé dans notre France ploutocratique : l’État dreyfusien a, délibérément, depuis dix ans, fait tout ce qu’il a pu pour détruire l’esprit militaire et transformer l’armée en une bonne à tout faire, en une armée pacifiste ; et l’on n’a jamais, d’autre part, tant dépensé pour l’armée et la