Page:Cahiers rationalistes - 1972 - n° 288-289 (extrait Hommage à Paul Langevin, La vie l’œuvre et l’action).djvu/30

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organisent et sont sévèrement réprimées. Plusieurs pays neutres : Suisse, URSS, USA, envoient des invitations officielles à recevoir le grand savant. Devant cette unanimité, les Allemands hésitent, puis libèrent Paul Langevin, mais pour le reléguer aussitôt dans une petite ville de l'Est où il sera astreint à se présenter deux fois par semaine à la Gestapo, et n'aura pas le droit de franchir les limites du département. Renchérissant sur l'occupant, le gouvernement de Vichy le destitue de ses fonctions. Après six semaines de cellule, à Troyes l'amélioration est sensible. L'appartement qui lui est affecté (celui, réquisitionné, d'un Israélite en fuite) est clair et bien chauffé ; et les visites de parents et d'amis venant de Paris ne sont pas interdites. Bientôt les milieux enseignants de la ville se groupent autour de Paul Langevin, l'entourent d'amitié et de respect. Les instituteurs du département, en particulier, lui prouvent leur reconnaissance : souvent, en rentrant de promenade, il trouve à sa porte un colis, parfois anonyme, de denrées princières en ces temps de disette, dont il est heureux de faire profiter ses visiteurs parisiens émerveillés par cette abondance! Et il leur prépare lui-même, avec un soin minutieux, le « vrai » café dont ils ont réussi à lui apporter un petit sac. Mais quel contraste entre ce repos forcé et la vie surmenée des dernières années! Pour meubler ses loisirs, le savant lit beaucoup et revient à ses travaux théoriques de prédilection, longtemps délaissés (théorie des ions, chocs entre particules). Il couvre à nouveau, de sa fine et claire écriture, de nombreux cahiers de calculs que n'entache presque aucune rature, et il enverra plusieurs communications à l'Académie des sciences. A la stupéfaction de Joliot, quelques jours lui suffisent pour élucider un très difficile problème sur les chocs entre neutrons et noyaux atomiques, dont une équipe de jeunes mathématiciens n'a pu venir à bout. Et il élabore en cette période la théorie d'un nouvel « Analyseur de mobilités des ions gazeux », qui donnera lieu, bien peu d'années après, à une importante publication posthume. Saisissant aussi une occasion d'enseigner qui lui paraît utile, il s'offre à faire un cours aux élèves maîtresses de l'Ecole normale du département, qui, avec leurs professeurs, reçoivent cet enseignement avec l'enthousiasme qu'on imagine.