Page:Cahiers rationalistes - 1972 - n° 288-289 (extrait Hommage à Paul Langevin, La vie l’œuvre et l’action).djvu/35

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les connaissances à leurs origines humaines » par un enseignement historique de la civilisation qui établira un lien étroit entre les diverses disciplines. On retrouve ici tout l'intérêt que Paul Langevin porta toujours à l'histoire des idées, et qu'il avait manifesté dès le temps de ses études à l'ENS.

Sur ces perspectives riches de promesses, la commission se mit avec ardeur à l'ouvrage. L'accord sur tant de points ne se fit pas, il est vrai, sans de nombreuses difficultés : ainsi, de vives discussions opposèrent les spécialistes du latin à ceux des mathématiques. Le président écoutait toujours avec la plus grande attention les arguments de chacun avant de donner son avis. Et lorsque, sur une question qui lui tenait à coeur, il avait réussi à obtenir l'unanimité, son visage amaigri rayonnait d'une grande joie au sortir de la réunion. Bien entendu, il accorda une importance prépondérante à la question essentielle de la formation des maîtres de tous degrés. Il la voulait commune jusqu'à l'Université, les spécialisations diverses d'ordres pédagogique, technique, théorique, ou encore artistique ou sportif, intervenant seulement après la Licence. Quant aux fonctions mêmes de l'Université, elles devaient être non seulement d'assurer les études supérieures et la recherche scientifique, mais également de dispenser aux adultes l'éducation permanente dans tous les domaines, pour répondre soit au besoin de certains perfectionnements, soit plus généralement au goût de la culture inspiré par l'école.

Paul Langevin mena à son terme cette œuvre ultime, aboutissement de toute une vie d'efforts et de réflexion ; mais le temps ne lui fut pas donné d'en parachever la rédaction. La mise au point en fut assurée par Henri Wallon, qui remit le texte au ministre de l'Education nationale au printemps de 1947. A ce moment-là, malheureusement, la grande unanimité de la Libération était déjà bien compromise, et ce vaste projet, qui exigeait à la fois une ferme volonté démocratique et un effort financier considérable, ne vit pas le jour : seuls un petit nombre d'essais furent pratiqués progressivement dans les classes secondaires de quelques « lycées pilotes », où ils donnèrent d'ailleurs les plus heureux résultats. Ce déplorable abandon, dont le hardi novateur eût été ulcéré, vaut très certainement à la France les difficultés qu'elle connaît