Page:Cahiers rationalistes - 1972 - n° 288-289 (extrait Hommage à Paul Langevin, La vie l’œuvre et l’action).djvu/36

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depuis plusieurs années en ce domaine, et dont elle ne semble pas près de sortir[1]!

En ces deux dernières années de son existence, bien qu'il dépensât encore trop généreusement ses forces déclinantes, Paul Langevin prenait moins souvent la parole en public ; l'une de ses allocutions les plus mémorables reste son message radiodiffusé de Noël 1945. Il dut renoncer à se rendre à bien des invitations d'associations étrangères à l'occasion de commémorations diverses : les « adresses » qu'il envoyait alors pour exprimer sa vive sympathie témoignent du regret douloureux qu'il éprouvait de ces empêchements. Au même moment, il pensait souvent à un ouvrage où il eût souhaité rassembler, sous une forme plus achevée, à la fois les grandes préoccupations qui avaient dominé sa vie, et son indéfectible espérance en un avenir meilleur pour l'humanité. On ne saurait trop déplorer qu'il n'ait eu ni la force ni le temps de laisser à la postérité ce qui eût représenté un précieux document d'éthique et d'humanisme modernes, conçu par l'un des esprits les plus généreux de tous les temps. Une partie de ce testament spirituel se trouve dans le texte d'une des toutes dernières conférences prononcées par lui en mai 1946, sous le titre « La Pensée et l'action », bien significatif de la grande unité qui caractérise l'oeuvre et la vie du savant[2]. Il y brosse un résumé de l'histoire des sciences dans leurs rapports avec les civilisations, et insiste longuement sur l'impérieux devoir qui s'impose désormais au savant de veiller à ce que ses découvertes ne soient plus utilisées à des fins destructrices, mais mises à la disposition de tous les hommes pour diminuer leur peine, accroître leurs loisirs et élever leur culture. Déjà très malade quand il reçut les épreuves de ce texte, il se les fit relire dans le détail, et tint à faire l'effort de les corriger lui-même minutieusement.

Parmi les faits à retenir de cette ultime période, nous devons, pour terminer, rappeler le Jubilé de l'illustre savant, qui fut célébré le 3 mars 1945, sous l'égide de l'Union française

  1. Il est significatif que de larges extraits de ce rapport furent réédités en mai 1968 par les « travailleurs en grève active de l'imprimerie de l'Institut pédagogique national ».
  2. Cf. note 24, et ci-dessous page 59.