Page:Cahiers rationalistes - 1972 - n° 288-289 (extrait Hommage à Paul Langevin, La vie l’œuvre et l’action).djvu/4

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son ardent intérêt pour la science : Pierre Curie. Il l'admira profondément, et cette influence fut pour lui déterminante. A sa sortie, attiré à la fois par la science pure et par l'enseignement, il renonça à la carrière industrielle et poursuivit d'abord à la Sorbonne ses études vers l'Agrégation, tout en donnant des leçons. Puis en 1893, sur le conseil d'un ancien professeur, il décida de se présenter à l'Ecole normale supérieure. Il y fut reçu avec un plein succès, ayant acquis en peu de mois d'un travail intensif les connaissances spéciales du programme de ce difficile concours, notamment en latin où il put se tirer avec honneur d'une version de Cicéron — ce à quoi les autres candidats s'étaient préparés durant sept ou huit années! Les membres du jury s'étonnèrent à juste titre d'une maturité d'esprit et d'une érudition vraiment exceptionnelles, que vinrent encore approfondir, dans une atmosphère à la fois stimulante et recueillie, ces années d'études tout entières consacrées à la réflexion personnelle au contact d'esprits éminents de très diverses disciplines. Pourvu déjà de la licence de mathématiques, il avait le loisir de lire de nombreux mémoires originaux, et put acquérir ainsi une vaste perspective de l'évolution historique des sciences. Il passait aussi beaucoup de temps au laboratoire, et, dès la première année, prit part aux expériences de son aîné Jean Perrin (alors en troisième année) sur les rayons cathodiques. De cette époque date la grande amitié qui les lia toujours. Après l'Agrégation en 1897, l'occasion fut offerte au brillant lauréat, grâce à une bourse de la Ville de Paris, de passer une année à Cambridge, au Cavendish Laboratory dirigé par l'éminent savant Joseph John Thomson. Il y noua de belles amitiés, notamment avec le maître, et avec plusieurs jeunes chercheurs, dont surtout Ernest Rutherford, ainsi que John Townsend et Charles Thomson Rees Wilson, qui tous trois, devinrent des savants anglais parmi les plus notoires. A Cambridge, les méthodes de recherche étaient pour lui tout à fait nouvelles : on travaillait en équipe, et le « patron », entouré d'une quinzaine de chercheurs, discutait souvent avec eux de leurs résultats et de leurs idées. Il régnait alors dans ce laboratoire, comme dans toutes les grandes universités scientifiques, une intense activité de recherche