Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/54

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la suite du poème une série de vocables exotiques qui ne permettraient guère aux oreilles profanes de se reconnaître aisément dans la métaphysique de cinq cents vers bouddhiques.

Trois brahmanes sont encore éloignés de la perfection ; car le premier n’a pu se débarrasser du désir, le second du souvenir, le troisième du doute. Rattachés au monde terrestre, chacun par ce dernier reste de sentiment humain, ils ne peuvent entrer dans la pureté suprême, se perdre et s’abîmer dans la sublime essence du néant divin, et, las d’attendre cet état de perfection qui leur échappe, ils s’adressent à la déesse des eaux, la Vierge pure, qui leur indique la montagne au sommet de laquelle réside l’Être suprême, l’Essence des essences, le bienheureux Bhagavat. S’ils peuvent le voir, le contempler, ils deviendront parfaits et s’uniront à lui.

Ils se mettent donc en route, gravissent les pentes du ciel, et c’est alors que les descriptions, déjà nombreuses, se multiplient. Le chœur des Kinnaras entonne la gloire de Bhagavat, l’Abstraction dernière, né de Mava, l’Illusion première ; il chante les miracles du dieu qui, pour sauver la terre, se change en sanglier et qui, durant sept jours, soutient sur un doigt l’Himalaya. Le chef des éléphants parle. Le paysage se pare des merveilles locales. Sous les frais açokas se jouent les kokilas, dans un monde enchanté d’azur et de lotus. Enfin les trois brahmanes aperçoivent le divin Bhagavat.


Et dans son sein sans borne, océan de lumière.
Ils s’unirent tous trois à l’Essence première.


Pour goûter pleinement les idéales sonorités de cette évocation d’Orient, il faut, si l’on n’est familiarisé depuis longtemps avec le symbolisme bouddhique, avoir lu préalablement le poème et s’être mis en mesure d’en suivre couramment le sens matériel.