Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/100

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taient même par des signes extérieurs ; les femmes portaient d’énormes bouquets de lys à leur côté et sur leur tête, quelquefois même des nœuds de ruban blanc. Il y avait souvent du bruit aux spectacles entre le parterre et les loges, pour faire ôter ces parures que le peuple considérait comme des signes dangereux. On vendait, dans tous les coins de Paris, des cocardes nationales ; toutes les sentinelles arrêtaient les gens qui n’en portaient pas ; les jeunes gens se faisaient un mérite de se soumettre à cette loi populaire, devenue respectable depuis que l’infortuné Louis XVI s’y était soumis. Il s’élevait alors des rixes fâcheuses, parce qu’elles excitaient l’esprit de rébellion. Le roi faisait des démarches vis-à-vis de l’Assemblée, dans l’espoir d’obtenir le calme ; les gens de la révolution étaient peu disposés à croire à sa sincérité ; malheureusement, les royalistes servaient cette incrédulité en répétant sans cesse que le roi n’était pas libre, que tout ce qu’il faisait était de toute nullité, et ne l’engageait à rien pour l’avenir. Le degré de chaleur était porté à un tel point, qu’il n’était pas même permis aux gens les plus sincèrement attachés au roi de prendre le langage de la raison, et de conseiller plus de retenue dans les discours. On parlait, on discutait à table, sans penser que tous les valets appartenaient à l’armée ennemie, et l’on peut dire qu’il y avait autant d’imprudence et de légèreté dans le parti attaqué, que de ruse, d’audace et de persévérance dans celui qui l’attaquait.