Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fidèlement tout ce qu’elle m’avait ordonné de lui dire. « Mais, me dit Bœhmer, la réponse à la lettre que je lui ai présentée, à qui dois-je m’adresser pour l’obtenir ? — À personne, lui dis-je ; Sa Majesté a brûlé votre placet sans même avoir compris ce que vous vouliez lui dire. — Ah ! Madame, s’écria-t-il, cela n’est pas possible, la reine sait qu’elle a de l’argent à me donner ! — De l’argent, M. Bœhmer ? Il y a long-temps que nous avons soldé vos derniers comptes pour la reine. — Madame, vous n’êtes pas dans la confidence ? On n’a pas soldé un homme que l’on ruine en ne le payant pas, lorsqu’on lui doit plus de quinze cent mille francs. — Avez-vous perdu l’esprit, lui dis-je ; pour quel objet la reine peut-elle vous devoir une somme si exorbitante ? — Pour mon collier, Madame, me répondit froidement Bœhmer. — Quoi ! repris-je, encore ce collier pour lequel vous avez inutilement tourmenté la reine pendant plusieurs années ! Mais vous m’aviez dit que vous l’aviez vendu pour Constantinople ? — C’est la reine qui m’avait fait ordonner de faire cette réponse à tous ceux qui m’en parleraient, reprit ce fatal imbécille. Alors il me dit que la reine avait voulu avoir le collier et le lui avait fait acheter par monseigneur le cardinal de Rohan. « Vous êtes trompé ! m’écriai-je ; la reine n’a pas adressé la parole une seule fois au cardinal depuis son retour de Vienne ; il n’y a pas d’homme plus en défaveur à sa cour. — Vous êtes trompée vous-même, Madame, me dit Bœhmer ; elle le voit si bien en particulier,