Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/11

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placet énigmatique[1]. Après avoir brûlé ce papier, Sa Majesté me dit : « Cet homme existe pour mon supplice ; il a toujours quelque folie en tête ; songez bien, la première fois que vous le verrez, à lui dire que je n’aime plus les diamans, que je n’en achèterai plus de ma vie ; que si j’avais à dépenser de l’argent, j’aimerais bien mieux augmenter mes propriétés de Saint-Cloud, par l’acquisition des terres qui les environnent ; entrez dans tous ces détails avec lui pour l’en convaincre, et les bien graver dans sa tête. » Je lui demandai si elle désirait que je le fisse venir chez moi ; elle me dit que non, qu’il suffirait de saisir la première occasion où je le rencontrerais ; que la moindre démarche auprès d’un pareil homme serait déplacée.

Le Ier août je quittai Versailles pour aller à ma maison de campagne ; dès le 3, je vis arriver Bœhmer qui, fort inquiet de n’avoir eu aucune réponse de la reine, venait me demander si elle m’avait chargée de quelque commission pour lui ; je lui répondis qu’elle ne m’en avait donné aucune, qu’elle n’avait rien à lui commander, et je répétai

  1. Le lecteur rapprochera ces détails pleins de franchise et de simplicité, du passage des Mémoires où l’abbé Georgel suppose la reine instruite depuis long-temps de l’acquisition du collier. Est-ce dans les mots obscurs écrits par Bœhmer qu’elle pouvait puiser la connaissance d’une intrigue si compliquée, si honteuse, et qui était si loin de sa pensée, quand elle touchait de si près à sa dignité et à sa personne ?
    (Note de l’édit.)