Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/130

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perte de la monarchie, sans apprécier l’utilité dont elle est pour un grand peuple, je ferais en ce moment la démarche la plus déplacée ; mais quand on parle à un Mirabeau, etc...... » Cette pauvre reine était charmée d’avoir trouvé cette manière de le placer au-dessus de tous, et, en me confiant les détails de cette entrevue, elle me disait : « Savez-vous que ces mots, un Mirabeau, ont paru le flatter infiniment. » Cependant, selon moi, c’était le flatter bien peu, car son esprit a fait plus de mal qu’il n’eût jamais pu faire de bien. Il avait quitté la reine en lui disant avec enthousiasme : « Madame, la monarchie est sauvée[1] ! » Ce fut bientôt après que Mirabeau dut recevoir des sommes très-considérables. Il le laissa trop apercevoir par l’augmentation de sa dépense. Déjà quelques-uns de ses propos, sur la nécessité d’arrêter les factieux, circulaient dans la société. Invité un jour à dîner avec une personne très-attachée à la reine, il sut que cette personne s’était retirée en apprenant qu’il était un des convives ; les maîtres de la maison se plurent à le lui dire, et l’on fut très-étonné de l’entendre louer le convive absent, et assurer qu’à sa place, il en aurait fait autant ; mais il ajouta qu’on n’avait qu’à inviter de nouveau cette personne dans quelques mois, et qu’on la ferait dîner

  1. Voyez l’anecdote racontée dans les Mémoires de Weber, tome II, pag. 37, au sujet de cette entrevue.
    (Note de l’édit.)