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avec le restaurateur de la monarchie. Mirabeau oubliait que le mal était plus aisé à faire que le bien, et se croyait en politique l’Atlas du monde entier.

Les outrages et même la moquerie se mêlaient sans cesse à la marche audacieuse des révolutionnaires : l’usage était de donner des aubades sous les fenêtres du roi le jour de l’an. La musique de la garde nationale s’y rendit ce jour-là 1791 : voulant faire allusion à la liquidation des dettes de l’État, décrétée par l’Assemblée, elle joua uniquement, à plusieurs reprises, l’air de l’opéra-comique des Dettes, dont le refrain est : Mais nos créanciers sont payés ; c’est ce qui nous console.

Ce même jour, des vainqueurs de la Bastille, grenadiers de la garde parisienne, précédés d’une musique militaire, vinrent présenter pour étrennes au jeune dauphin un domino fait de pierre et de marbre de cette prison d’État. La reine me donna ce sinistre bijou, en me disant de le conserver, qu’il serait curieux pour l’histoire du temps de la révolution. Sur le couvercle étaient gravés de mauvais vers dont voici le sens : Des pierres de ces murailles, qui renfermaient d’innocentes victimes du pouvoir arbitraire, ont été transformées en jouet pour vous être offert, Monseigneur, comme un hommage de l’amour du peuple, et pour vous apprendre quelle est sa puissance.

La reine disait que la passion de la popularité condamnait M. de La Fayette à se prêter indistinc-