Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/174

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encore organisée. Beaucoup de vive le roi ! se firent entendre ; mais à chaque fois que ces cris cessaient, un homme du peuple, qui ne quitta pas un seul instant la portière du roi, criait seul avec une voix de Stentor : Non, ne les croyez pas : vive la nation ! Cette voix sinistre frappa la reine de terreur ; elle ne crut pas devoir s’en plaindre, et parut confondre avec les acclamations publiques le cri séparé de ce fanatique ou de ce vil stipendié.

Peu de jours après, M. de Montmorin m’écrivit quelques lignes pour me dire qu’il avait à me parler ; qu’il se rendrait chez moi, s’il ne craignait que cela ne fût remarqué, et qu’il trouvait plus naturel de me voir dans le grand cabinet de la reine à une heure qu’il m’indiqua et où il n’y avait personne. Je m’y trouvai. Après m’avoir dit des choses obligeantes sur les services que j’avais déjà rendus et pouvais rendre encore à mes maîtres dans ces circonstances, il me parla du danger imminent où était le roi, des complots qui se tramaient, de la mauvaise composition de l’Assemblée législative ; mais essentiellement de la nécessité de paraître tenir le plus possible par la sagesse des discours, à l’acte que le roi venait d’accepter. Je lui dis que cela ne pouvait se faire qu’en se compromettant aux yeux du parti royaliste, auquel la modération paraissait un crime ; qu’il était affligeant de s’entendre taxer d’être constitutionnelle, quand on pensait que la seule constitution qui convenait à la gloire du roi, au bonheur et à la tranquillité de son peuple, était le pouvoir