Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/189

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À l’instant où j’allais sortir pour exprimer à la reine toute la reconnaissance dont j’étais pénétrée, j’entendis gratter à ma porte qui donnait sur le corridor intérieur de la reine ; j’ouvris : c’était le roi. J’en fus saisie ; il s’en aperçut, et me dit avec un air de bonté : « Je vous fais peur, Madame Campan ; je viens pourtant vous rassurer ; la reine m’a dit combien vous étiez affligée de l’injustice de beaucoup de gens à votre égard. Mais comment vous plaignez-vous de l’injustice et de la calomnie, quand vous nous en voyez les victimes ? De la part de quelques-unes de vos compagnes, c’est jalousie ; de la part des gens de la cour, c’est inquiétude. Notre position est si fâcheuse ; nous avons trouvé tant d’ingrats et tant de traîtres, que les craintes des gens qui nous aiment sont excusables ! Je pourrais les rassurer en leur disant les services secrets que vous nous rendez tous les jours ; mais je ne veux pas le faire. Par bonne volonté pour vous, ils répéteraient ce que j’aurais dit, et vous seriez perdue auprès de l’Assemblée. Il vaut bien mieux pour vous et pour nous, qu’on vous croie constitutionnelle ; on m’en a déjà parlé vingt fois ; je ne l’ai jamais démenti, mais je viens vous donner

    voir que j’étais à l’abri du mal que la découverte de ce papier eût pu me faire, il le brûla à l’instant même. Dans les temps de trouble, un rien sauve la vie ou peut la perdre.

    (Note de madame Campan.)