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a été très-occupée d’une dénonciation faite par les ouvriers de la manufacture de Sèvres. Ils ont apporté, sur le bureau du président, une liasse de brochures qu’ils ont dit être la vie de Marie-Antoinette. Le directeur de la manufacture a été mandé à la barre, et il a déclaré avoir reçu l’ordre de brûler ces imprimés dans les fours qui servent à la cuisson des pâtes de ses porcelaines. »

Pendant que je rendais ce compte à la reine, le roi rougit et baissa la tête sur son assiette. La reine lui dit : « Monsieur, avez-vous connaissance de cela ? » Le roi ne répondit rien. Madame Élisabeth lui demanda de lui expliquer ce que cela signifiait ; même silence. Je me retirai promptement. Peu d’instans après, la reine vint chez moi, et m’apprit que c’était le roi qui, par intérêt pour elle, avait fait acheter la totalité de l’édition imprimée d’après le manuscrit que je lui avais proposé ; et que M. de Laporte n’avait pas trouvé de manière plus mystérieuse d’anéantir la totalité de l’ouvrage, qu’en le faisant brûler à Sèvres parmi deux cents ouvriers dont cent quatre-vingts devaient être jacobins. Elle me dit qu’elle avait caché sa douleur au roi ; qu’il était consterné et qu’elle n’avait rien à dire, quand sa tendresse et sa bonne volonté pour elle étaient cause de cet accident[1].

  1. Bertrand de Molleville, dans ses Mémoires particuliers, donne, sur cette anecdote, les détails suivans :

    « M. de Laporte avait fait acheter, par ordre du roi, l’édition