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je suis étrangère, ils m’assassineront. Que deviendront nos pauvres enfans ? » Un torrent de larmes suivit ces douloureuses exclamations[1]. Je voulus

    la mort ? — Non, certainement ; mais je voudrais Votre Majesté moins décidée à l’attendre, et plus disposée à adopter des mesures vigoureuses, qui sont aujourd’hui les seules dont le roi puisse attendre son salut. — Je le crois bien ; mais il y aurait encore beaucoup de chances contre, et je ne suis pas heureux. Je ne serais pas embarrassé, si je n’avais pas ma famille avec moi. On verrait bien que je ne suis pas aussi faible qu’on le croit ; mais que deviendraient ma femme et mes enfans, si je ne réussissais pas ? — Mais Votre Majesté pense-t-elle que, si elle était assassinée, sa famille serait plus en sûreté ? — Oui, je le crois, je l’espère au moins ; et, s’il en arrivait autrement, je n’aurais pas à me reprocher d’en être la cause. D’ailleurs, que pourrais-je faire ? — Je crois que Votre Majesté pourrait sortir de Paris plus aisément aujourd’hui que jamais, parce que la journée d’hier n’a que trop prouvé que ses jours ne sont pas en sûreté dans la capitale. — Oh ! je ne veux pas fuir une seconde fois : je m’en suis trop mal trouvé. — Je crois aussi que Votre Majesté ne doit pas y penser, au moins dans ce moment-ci ; mais il me semble que les circonstances actuelles et l’indignation générale que la journée d’hier paraît avoir excitée, offrent au roi l’occasion la plus favorable qui puisse se présenter pour sortir de Paris publiquement et sans obstacle, non-seulement avec le consentement de la grande majorité des citoyens, mais avec leur approbation. Je demande à Votre Majesté la permission de réfléchir sur cette mesure, et de lui faire part de mes idées sur le mode et les moyens d’exécution. — À la bonne heure, mais c’est plus difficile que vous ne croyez. »

    (Note de l’édit.)

  1. Ces scènes déchirantes se renouvelaient souvent : il n’y a de comparable, dans l’histoire, aux infortunes de Marie-An-