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la terre de Coblentz, par un ruban aux trois couleurs, tendu d’un bout à l’autre de la terrasse. Des affiches qu’on y avait attachées ordonnaient à tout bon citoyen de ne pas descendre dans le jardin, sous peine d’être traité comme l’avaient été Foulon et Berthier[1]. La clôture des Tuileries ne donna pas à la reine et à ses enfans la possibilité de s’y promener ; des huées épouvantables partaient de la terrasse, et la forcèrent deux fois de rentrer chez elle.

Dans les premiers jours d’août, beaucoup de gens zélés proposèrent de l’argent au roi ; il refusa des sommes considérables, ne voulant pas porter atteinte à la fortune des particuliers. M. de La Ferté, intendant des Menus, m’avait apporté mille louis, en me priant de les mettre aux pieds de la reine. Il pensait qu’elle ne pouvait avoir trop d’argent dans un moment si périlleux, et que tout bon Français devait s’empresser de lui remettre ce qu’il avait d’argent comptant. Elle avait refusé cette somme et de bien plus considérables qui lui avaient été

  1. Un jeune homme, sans faire attention à cette consigne écrite, descendit dans le jardin ; des cris furieux, des menaces de la lanterne, le flot du peuple qui déjà se réunissait sur la terrasse, tout l’avertit de son imprudence et du danger qu’il court. À l’instant il ôte ses souliers, tire son mouchoir et essuie le sable qui était aux semelles. On crie bravo ! vive le bon citoyen ! il est porté en triomphe.
    (Note de madame Campan.)