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signés Marie-Antoinette de France. Le Mémento trouvé dans un tiroir du bureau du cardinal, où il avait écrit lui-même ce que Bœhmer lui avait dit après m’avoir vue à ma campagne, dix jours avant d’être appelé dans le cabinet du roi, fut de même un incident fâcheux pour son éminence.

J’offris au roi d’aller déclarer que Bœhmer m’avait dit et soutenu que le cardinal l’avait assuré tenir de la main même de la reine, les trente mille francs donnés comme à-compte, au moment où le marché avait été conclu, et que son éminence avait vu Sa Majesté prendre cette somme en billets de la caisse d’escompte dans le secrétaire de porcelaine placé dans son boudoir. Le roi refusa ma proposition, et me dit : « Étiez-vous seule avec Bœhmer lorsqu’il vous a dit cela ? » Je lui répondis que j’étais seule avec lui dans mon jardin. « Eh bien ! reprit-il, cet homme nierait le fait ; le voilà assuré du paiement de ses seize cent mille francs, que la famille du cardinal sera tenue de lui faire[1] ; nous ne devons plus

  1. Le bon sens du roi avait pénétré le fond de toute cette intrigue : un fait rapporté par la Correspondance secrète en fournit la preuve :

    « Cette femme criminelle ne connaît pas plutôt que tout va se découvrir, qu’elle envoie chercher les joailliers, et leur déclare que le cardinal s’est aperçu que l’engagement qu’il croyait signé est une pièce fausse et contrefaite. « Au surplus, ajoute-t-elle, le cardinal possède une fortune considérable, et il est bien en état de vous payer. » Ces paroles dévoilent tout le secret. La