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J’étais avec mes compagnes dans la salle de billard ; nous nous plaçâmes sur des banquettes élevées. Alors je vis M. d’Hervilly, l’épée nue à la main, ordonner à l’huissier d’ouvrir à la noblesse française. Deux cents personnes entrèrent dans cette pièce, la plus rapprochée de celle où était la famille ; d’autres se rangèrent de même sur deux haies dans les pièces précédentes. Je vis quelques gens de la cour, beaucoup de figures inconnues, quelques personnes qui figuraient ridiculement parmi ce qu’on appelait la noblesse, mais que leur dévouement ennoblissait à cet instant. Tous étaient si mal armés, que, même dans cette position, l’esprit français, qui ne cède à rien, amenait des plaisanteries sur le fait le moins plaisant. M. de Saint-Souplet, écuyer du roi, et un page, portaient sur l’épaule, en place de fusil, la paire de pincettes de l’antichambre du roi, qu’ils venaient de casser et de se partager. Un autre page, un pistolet de poche à la main, en appuyait le bout sur le dos de la personne qui le précédait et qui le pria de vouloir bien le poser autrement. Une épée et une paire de pistolets étaient les seules armes de ceux qui avaient eu la prévoyance de s’en munir. Pendant ce temps, les bandes nombreuses des faubourgs, armées de piques et de coutelas, remplis-

    impossible, j’étais convaincu d’avance qu’il n’y aurait aucune digue assez puissante pour arrêter ce torrent impétueux. » (Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoie.)

    (Note de l’édit.)