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jour était venu ; le roi, la reine, madame Élisabeth, Madame et le dauphin descendirent pour parcourir les rangs des sections de la garde nationale : on cria vive le roi ! dans quelques endroits. J’étais à une fenêtre du côté du jardin ; je vis des canonniers quitter leurs postes et s’approcher du roi, lui mettant le poing sous le nez en l’insultant par les plus grossiers propos. MM. de Salvert et de Briges les éloignèrent avec vigueur. Le roi était pâle, comme s’il avait cessé d’exister. La famille royale rentra ; la reine me dit que tout était perdu ; que le roi n’avait montré aucune énergie, et que cette espèce de revue avait fait plus de mal que de bien[1].

  1. Montjoie a inséré, dans son Histoire de Marie-Antoinette, le récit d’une personne qu’il dit avoir été témoin oculaire de l’affaire du château. Ce narrateur s’exprime ainsi :

    « L’éloignement de M. Mandat fit tomber le commandement à M. de La Chesnaye.

    » Je vis alors un grand mouvement se manifester dans l’intérieur du château.

    » La garde nationale, les gardes-suisses appelés à leur poste, chacun s’y rendit dans le plus grand ordre. L’intérieur des appartemens, les escaliers, les vestibules furent garnis ; les postes des cours furent divisés, les canons furent portés dans différentes parties de la cour. Tous ces préparatifs annonçaient les résolutions les plus terribles ; elles semblaient exprimer la résolution d’opposer une résistance vigoureuse. Je détournai les yeux, et je gémis d’abord sur le mode et ensuite sur l’inefficacité des moyens : sur le mode, puisque je voyais se préparer une scène de sang et de meurtres sans nombre ; sur l’inefficacité, car malgré ce projet criminel, extravagant, d’une résistance