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vous enverrai chercher pour aller je ne sais où. » Elle n’emmena avec elle que madame la princesse de Lamballe et madame de Tourzel. La princesse de Tarente et madame de La Roche-Aymon se désolaient d’être laissées aux Tuileries. Elles descendirent ainsi que toute la chambre dans l’appartement de la reine.

Nous vîmes défiler la famille royale entre deux haies formées par les grenadiers suisses et ceux des bataillons des Petits-Pères et des Filles-Saint-Thomas. Ils étaient si pressés par la foule que, pendant ce court trajet, la reine fut volée de sa montre et de sa bourse. Un homme d’une stature épouvantable et d’une figure atroce, tel qu’on en voyait à la tête de toutes les insurrections, s’approche du dauphin que la reine tenait par la main, l’enlève et le prend dans ses bras. La reine fit un cri d’effroi et fut près de s’évanouir. Cet homme lui dit : « N’ayez pas peur, je ne veux pas lui faire de mal, » et il le lui rendit à l’entrée de la salle.

Je laisse à l’histoire tous les détails de cette journée trop mémorable, me bornant à retracer quelques-unes des scènes affreuses de l’intérieur du palais des Tuileries, après que le roi l’eut quitté.

    M. Gerdret, veut élever la voix ; il insiste sur l’exécution prompte du parti proposé. « Taisez-vous, Monsieur, lui dit la reine, taisez-vous : vous êtes le seul qui ne devez point parler ici : quand on a fait le mal, on ne doit pas avoir l’air de vouloir le réparer. »

    (Note de l’édit.)