Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/253

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nous devons y mourir. » M. Diet se conduisit de même à la porte de la chambre à coucher de la reine ; il éprouva le même sort. Madame la princesse de Tarente avait heureusement fait ouvrir la porte d’entrée de l’appartement ; sans quoi, cette horrible bande, en voyant plusieurs femmes réunies dans le salon de la reine, eût pensé qu’elle y était, et nous eût sur-le-champ massacrées, si sa fureur eût été augmentée par la résistance. Cependant nous allions toutes périr, quand un homme à longue barbe arriva en criant de la part de Pétion : Faites grâce aux femmes ; ne déshonorez pas la nation ! Un incident particulier me mit encore plus en danger que les autres. Dans mon trouble, je crus, un moment avant l’entrée des assaillans chez la reine, que ma sœur n’était pas parmi le groupe des femmes qui y étaient réunies, et je montai dans un entresol où je supposais qu’elle s’était réfugiée, pour l’engager à en descendre, imaginant qu’il importait à notre salut de n’être pas séparées. Je ne la trouvai pas dans cette pièce ; je n’y vis que nos deux femmes de chambre et l’un des deux heiduques de la reine, homme de très-haute taille et d’une physionomie tout-à-fait martiale. Je le vis pâle et assis sur un lit ; je lui criai : « Sauvez-vous, les valets de pied et nos gens le sont déjà. — Je ne le puis, me dit cet homme, je suis mort de peur. » Comme il me disait ces mots, j’entends une troupe d’hommes monter précipitamment l’escalier : ils se jettent sur lui, je le vois assassiner. Je cours vers