Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/257

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de grands risques, quand nous avons rencontré les furieuses qui portent la tête de Mandat. Ces horribles femmes, hier à minuit, sur la place de la Bastille, disaient qu’il leur fallait la revanche du 6 octobre, de Versailles, et elles avaient fait serment de tuer de leurs propres mains la reine et toutes les femmes qui lui sont attachées. C’est le danger de l’action qui vous a sauvées toutes. »

En passant sur le Carrousel, j’avais vu ma maison en flammes ; mais, le premier moment d’effroi passé, je ne pensais point à mes malheurs personnels. Mes idées se portaient uniquement vers l’affreuse position de la reine.

Nous retrouvâmes, en arrivant chez ma sœur, toute notre famille désolée qui croyait ne jamais nous revoir. Je ne pus rester chez elle ; des gens du peuple, assemblés à la porte, criaient que la confidente de Marie-Antoinette était dans cette maison, qu’il fallait avoir sa tête. Je me déguisai et fus me cacher chez M. Morel, administrateur des loteries. Le lendemain, on vint m’y chercher de la part de la reine. Un député, dont les sentimens lui étaient connus, s’était chargé de me trouver.

J’empruntai des hardes ; je me rendis avec ma sœur aux Feuillans ; nous y arrivâmes en même temps que M. Thierry de Villedavray, premier valet de chambre du roi. On nous mena dans un bureau ; nous y écrivîmes nos noms, nos demeures : on nous donna des cartes pour monter dans les