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sur le marché qu’il avait fait avec Bœhmer, pour procurer à la reine son magnifique collier. Le financier, dont la fortune ébranlée fut peu de temps après suivie d’une faillite énorme, ne prêta point d’argent. Il eut de la peine à s’expliquer comment le cardinal, ouvertement brouillé avec la reine, se trouvait chargé d’une semblable commission ; et crut devoir faire parler à Sa Majesté de la confidence qui lui avait été faite. J’ignore avec quelle légèreté cet avis fut communiqué ; je sais qu’il fit trop peu d’impression sur la reine. Au comble du bonheur et de la gloire, comment penser qu’il se forme, sur un semblable sujet, une intrigue capable d’amener l’orage le plus funeste ! La reine me dit seulement que l’on reparlait de cet ennuyeux collier ; que M. de Saint-James lui avait fait dire que Bœhmer se berçait encore de l’espoir de le lui faire acheter. Elle me recommanda de lui en parler la première fois que je le verrais, en lui demandant simplement ce qu’il avait fait de cette parure.

Le dimanche suivant, je rencontrai Bœhmer dans une des salles du grand appartement, à l’heure où je me rendais à la messe de la reine. Je l’appelai ; il me suivit jusqu’à ma travée. Je lui demandai s’il était enfin débarrassé de son collier ; il me répondit qu’il était vendu. Je lui demandai dans quelle cour ; il me répondit que c’était à Constantinople, et qu’en ce moment il appartenait à la sultane favorite. Je l’en félicitai. Ma véritable satisfaction était cependant relative à la reine qui ne serait plus obsédée