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à ce sujet. Le soir, je rendis compte de la rencontre que j’avais faite et de ma conversation avec le joaillier. Ce fut une vraie joie pour la reine. Elle témoigna cependant quelque surprise qu’un collier, composé pour la parure des Françaises, fût porté dans le sérail, et se borna à croire que la beauté seule de cette collection de diamans en avait fait faire l’acquisition. Elle me parla long-temps, à ce sujet, du changement total qui s’opérait dans les goûts et dans les désirs des femmes depuis l’âge de vingt ans jusqu’à trente. Elle me dit qu’étant plus jeune de dix ans, elle aimait les diamans à la folie ; mais qu’elle n’avait plus que le goût de la société privée, de la campagne, de l’ouvrage, et des soins qu’exigerait l’éducation de ses enfans. Depuis ce moment jusqu’au fatal éclat on ne parla plus du collier.

Le baptême de M. le duc d’Angoulême eut lieu en 1785. La reine commanda à Bœhmer le nœud d’épaule, les boucles et l’épée dont le roi et elle lui firent présent pour cette cérémonie. En remettant ces objets à Sa Majesté, Bœhmer lui présenta une note qui se trouve fidèlement transcrite dans un des Mémoires imprimés pendant le cours du procès du cardinal. La reine entra dans sa bibliothèque où je parcourais un ouvrage. Elle tenait ce papier à la main. Elle me le lut, en me disant qu’ayant deviné le matin les énigmes du Mercure, j’allais sans doute lui trouver le mot de celle que ce fou de Bœhmer venait de lui remettre. Ce furent ses propres expressions. Elle me lut cette note qui