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contenait, comme celle du Mémoire, la prière de ne pas l’oublier, et l’expression de son bonheur de la voir en possession des plus beaux diamans existant en Europe. En finissant cette lecture, elle tortilla le papier, le brûla à un bougeoir qui restait allumé dans sa bibliothèque pour cacheter les lettres, et me recommanda seulement, quand je verrais Bœhmer, de lui en demander l’explication. « A-t-il encore assorti quelques parures ? ajouta la reine : j’en serais au désespoir ; car je ne compte plus me servir de lui. Si je veux faire changer la forme de mes diamans, je me servirai de mon valet de chambre joaillier, qui n’aura pas même l’ambition de me vendre un karat. »

Après cet entretien, je partis pour ma campagne, à Crespy ; mon beau-père y avait du monde à dîner tous les dimanches : Bœhmer y venait une ou deux fois par été. Aussitôt que j’y fus établie, il y vint. Je lui répétai fidèlement ce que la reine m’avait chargée de lui dire. Il parut pétrifié, et me demanda comment la reine avait pu ne pas comprendre le sens du papier qu’il lui avait présenté. « Je l’ai lu moi-même, lui répondis-je, et n’y ai rien entendu. — Cela ne m’étonne pas pour vous, Madame, » me répondit Bœhmer. Il ajouta qu’il y avait dans tout cela un mystère dont je n’avais pas la confidence, et me demanda un entretien dans lequel il m’instruirait en entier de ce qui s’était passé entre la reine et lui. Je ne pus le lui promettre