Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/288

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Le roi se récria et lui dit qu’un grand-aumônier devait savoir que les reines de France ne signaient que leurs noms de baptême ; que même les filles de France n’avaient point d’autre signature, et que, si la famille royale avait à ajouter un nom à cette signature d’usage, ce ne serait pas de France. L’écriture n’était pas plus imitée que le protocole ; le roi le lui observa de même. Sa Majesté lui montra ensuite copie d’une lettre adressée à Bœhmer, en lui demandant s’il avait écrit une semblable lettre ? Le cardinal, après l’avoir parcourue des yeux, répondit qu’il ne se souvenait pas de l’avoir écrite. « Si on vous la présentait signée de vous ? lui dit alors le roi. — Si la lettre est signée, elle est véritable, » répondit le cardinal. Il était extrêmement troublé, et répéta plusieurs fois : « J’ai été trompé, Sire, je paierai le collier, je demande pardon à Vos Majestés. » Le roi lui dit de se remettre et de passer dans le cabinet suivant où il trouverait du papier, des plumes, et pourrait écrire ses aveux ou ses réponses. M. de Vergennes et le garde-des-sceaux furent d’avis d’apaiser cette affaire, et d’en éviter le scandale. L’opinion du baron de Breteuil prévalut, le ressentiment de la reine la favorisait. Le cardinal rentra et présenta au roi quelques lignes aussi embrouillées que ce qu’il avait dit. Il reçut l’ordre de sortir accompagné du baron qui le fit arrêter par M. d’Agoult, major de cour. Il confia la conduite du cardinal, jusqu’à son appartement, à un jeune lieutenant des gardes,