Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/287

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sachent. » Il est évident que, dès ce moment, le plan funeste était arrêté. La reine vit mon effroi ; je ne le lui dissimulai point, je lui connaissais trop d’ennemis pour ne pas appréhender de la voir occuper le monde entier d’une intrigue que l’on chercherait à embrouiller encore plus. Je la suppliai de prendre les conseils les plus sages et les plus modérés. Elle m’imposa silence, en me disant d’être tranquille, bien persuadée qu’il ne se ferait aucune imprudence.

Le dimanche suivant, jour de l’Assomption, au moment où le cardinal, revêtu de ses habits sacerdotaux, allait se rendre à la chapelle, le roi le fit demander à midi, dans son cabinet, en présence de la reine. « Vous avez acheté des diamans à Bœhmer, lui dit le roi. — Oui, Sire. — Qu’en avez-vous fait ? — Je croyais qu’ils avaient été remis à la reine. — Qui vous avait chargé de cette commission ? — Une dame nommée la comtesse de Lamotte-Valois, qui m’a présenté une lettre de la reine, et j’ai cru faire une chose agréable à Sa Majesté, en me chargeant de cette négociation. » La reine l’interrompit avec vivacité, pour lui demander comment il avait pu croire, lui auquel elle n’avait pas adressé la parole depuis plus de huit ans, qu’il avait été choisi pour une semblable commission, et par l’entremise d’une femme qu’elle ne connaissait pas. « Je vois bien, dit le cardinal, que j’ai été trompé. » Il sortit alors de sa poche un billet de Sa Majesté, signé Marie-Antoinette de France.