Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/306

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autre chose que de les faire entrer dans la cour des ministres en fermant les grilles. De-là ils passèrent sur la terrasse du château, ensuite à Trianon, enfin à Rambouillet.

Je ne pus m’empêcher de témoigner à M. d’Estaing, dans un moment où il vint auprès du roi, mon étonnement de ne lui voir faire aucune disposition militaire. Monsieur, me répondit-il, j’attends les ordres du roi (lequel n’ouvrait pas la bouche). Quand le roi n’ordonne rien, ajoutai-je, un général doit se décider en homme de guerre. Cela resta sans réponse. Vers les sept heures du soir, une espèce d’avant-garde parisienne, composée d’hommes mal armés et de femmes de la populace, arriva à la grille de la cour des ministres, qu’on refusa d’ouvrir. Ces gens demandèrent alors qu’on permît à quelques femmes d’aller présenter une supplique au roi. Sa Majesté ordonna qu’on en laissât entrer six, et me dit d’aller les entendre dans l’œil-de-bœuf ; je m’y rendis. L’une de ces femmes, que j’ai su depuis être une fille publique, porta la parole pour me représenter que la disette du pain régnait à Paris, et que le peuple venait en demander à Sa Majesté. Je répondis que le roi avait pris toutes les mesures qui pouvaient dépendre de Sa Majesté pour suppléer au manque de la récolte dernière ; j’ajoutai que des calamités de ce genre devaient être supportées avec patience, comme on supportait la sécheresse lorsque la pluie manquait. Je congédiai ces femmes en leur