Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/334

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le commencement de la révolution, avait manifesté, dans toutes les crises, la crainte qu’il avait de donner le moindre ordre qui pût amener l’effusion du sang. « Sera-ce chaud ? dit le roi. — Il est impossible que ce soit autrement, Sire, » dit l’aide-de-camp. Louis XVI ne voulut point exposer sa famille. Ils descendirent alors chez un épicier, maire de Varennes. Le roi prit la parole, et fit un résumé de son projet de départ, analogue à la déclaration qu’il avait faite à Paris. Il parlait avec chaleur et bonté, cherchait à démontrer aux gens dont il était environné qu’il se mettait seulement, par sa démarche, en position de traiter avec l’Assemblée, de sanctionner avec liberté la constitution qu’il maintiendrait, mais dont plusieurs articles étaient incompatibles avec la grandeur du trône et la force dont il avait besoin d’être environné. Rien n’était plus touchant, ajoutait la reine, que ce moment où le roi communiquait à des sujets de la plus inférieure classe, ses principes, ses vœux pour le bonheur de ses sujets, et les motifs qui avaient déterminé son départ. Pendant que le roi parlait à ce maire, nommé M. Sauce, la reine, assise dans le fond de la boutique parmi des ballots de chandelle et de savon, cherchait à faire entendre à madame Sauce que, si elle pouvait déterminer son mari à faire usage de son pouvoir municipal pour protéger la sortie du roi et de sa famille, elle aurait la gloire d’avoir contribué à ramener la paix en France. Cette femme était attendrie ; se voyant