Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/35

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faire la fortune de leurs amis, et le sort de quelques serviteurs zélés. Savez-vous, » ajouta cette excellente princesse, que sa conduite plaçait malgré elle, en contradiction avec ses principes, « savez-vous ce qui m’est arrivé dernièrement ? Depuis que je vais à des comités particuliers chez le roi, j’ai entendu, pendant que je traversais l’œil-de-bœuf, un des musiciens de la chapelle, dire assez haut pour que je n’en aie pas perdu une seule parole : Une reine qui fait son devoir reste dans ses appartemens à faire du filet. J’ai dit en moi-même : « Malheureux, tu as raison, mais tu ne connais pas ma position ; je cède à la nécessité et à ma mauvaise destinée. » Cette position était d’autant plus pénible, que Louis XVI avait contracté la longue habitude de ne lui rien communiquer des affaires d’état, et que, lorsqu’elle fut forcée, vers les derniers temps de son règne, de se mêler des choses les plus importantes, cette habitude du roi venait souvent lui dérober la connaissance des particularités qu’il lui eût été nécessaire de savoir. N’obtenant que des lumières insuffisantes, guidée par des gens plus ambitieux que capables, la reine ne pouvait être utile à la marche des affaires ; et s’en mêler ostensiblement lui attirait, de la part de tous les partis et de toutes les classes de la société, une défaveur dont la progression était alarmante pour tous les gens qui lui étaient sincèrement attachés.

Séduite et entraînée par le langage brillant de