Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/34

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deur d’Angleterre avec des égards tout particuliers.

Quand le comte de Moustier partit pour sa mission, près des États-Unis, après avoir eu publiquement son audience de congé, il vint me demander de lui en faire obtenir une dans l’intérieur ; je ne pus y parvenir malgré les instances que je me permis : la reine me dit de lui souhaiter un bon voyage ; mais qu’il n’y avait que les cabinets des ministres qui pussent avoir des choses particulières à lui dire, puisqu’il allait dans un pays où le nom de roi et celui de reine devaient être haïs.

Marie-Antoinette n’eut donc d’influence directe sur les affaires d’État, qu’après la mort de M. de Maurepas, celle de M. de Vergennes, et la retraite de M. de Calonne. Elle s’affligeait souvent de sa position nouvelle, et la regardait comme un malheur qu’elle n’avait pu éviter. Un jour que je l’aidais à serrer des mémoires et des rapports que des ministres l’avaient chargée de remettre au roi : « Ah ! dit-elle en soupirant, il n’y a plus de bonheur pour moi depuis qu’ils m’ont fait intrigante. » Je me récriai sur ce mot. « Oui, reprit la reine, c’est bien le mot propre ; toute femme qui se mêle d’affaires au-dessus de ses connaissances, et hors des bornes de son devoir, n’est qu’une intrigante ; vous vous souviendrez au moins que je ne me gâte pas, et que c’est avec regret que je me donne moi-même un pareil titre. Les reines de France ne sont heureuses qu’en ne se mêlant de rien, et en conservant un crédit suffisant pour