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rière. Le cardinal était en Alsace. Madame de Lamotte fit dépêcher un courrier par le baron de Planta, avec une petite lettre à tranche dorée, où la reine était censée dire au cardinal : « Le moment que je désire n’est pas encore venu ; mais je hâte votre retour pour une négociation secrète qui m’intéresse personnellement, et que je ne veux confier qu’à vous ; la comtesse de Lamotte vous dira de ma part le mot de l’énigme. » D’après cette lettre, le cardinal aurait voulu avoir des ailes. Il arriva très-inopinément par un beau froid de janvier. Ce retour nous parut aussi extraordinaire que le départ avait semblé précipité. Ses parens et ses amis étaient bien loin de porter leurs pensées sur les pernicieux détours du dédale où une femme à peine connue faisait circuler ainsi l’homme dont elle avait fasciné les yeux.

» M. le cardinal n’eut pas plus tôt appris le prétendu mot de l’énigme, que, charmé de la mission dont la souveraine voulait bien l’honorer, il demanda avec instance l’autorisation nécessaire pour consommer le plus tôt possible l’acquisition du collier. Cet écrit ne se fit pas attendre ; il était daté de Trianon, et signé Marie-Antoinette de France. Si le plus épais bandeau de la séduction n’eût pas couvert les yeux du prince Louis, cette signature seule, si maladroitement libellée, aurait dû lui faire apercevoir le piége. La reine ne signait jamais que Marie-Antoinette. Le mot de France ajouté était le fruit de l’ignorance la plus grossière. Rien ne fut aperçu.

» Cagliostro, nouvellement arrivé à Paris, fut consulté. Ce Python monta sur son trépied ; les invocations égyptiennes furent faites pendant une nuit éclairée par une très-grande quantité de bougies, dans le salon même du cardinal. L’oracle, inspiré par son démon familier, prononça : « Que la négociation était digne du prince ; qu’elle aurait un plein succès ; qu’elle mettrait le sceau aux bontés de la reine, et ferait découvrir le jour heureux qui découvrirait, pour le bonheur de la France et de l’humanité, les rares talens de M. le cardinal. » J’écris des vérités, et l’on croira que je ra-