Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/352

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conte des fables ; je le croirais moi-même, si je n’avais la certitude des faits que j’avance. Quoi qu’il en soit, les conseils de Cagliostro dissipèrent tous les doutes qui auraient pu s’élever. Il fut décidé que le cardinal s’acquitterait le plus promptement possible d’une commission regardée comme très-flatteuse et très-honorable.

» Tout étant ainsi disposé, M. le cardinal traita du collier avec Bœhmer et Bassange, d’après les conditions proposées : il ne leur dissimula plus que c’était pour le compte de la reine ; il leur en fit voir l’autorisation, exigeant le secret pour tout autre que pour la reine. Les joailliers crurent tout ce que leur dit et montra le grand-aumônier, puisqu’ils acceptèrent le billet de ce prince, et qu’ils s’engagèrent, le 30 janvier, à lui livrer le collier le Ier février, veille de la Purification. La comtesse avait désigné ce jour d’une grande fête à Versailles pour l’époque où la reine désirait avoir ce superbe ornement. La cassette qui renfermait ce trésor devait être portée à Versailles ce jour-là, remise le soir au domicile de madame de Lamotte, chez qui la reine était supposée devoir l’envoyer chercher. Cette femme, ivre de joie en voyant les prodigieux succès de son inconcevable intrigue, avait préparé chez elle, à Versailles, le théâtre où devait se jouer la remise du collier à l’homme qui arriverait, se disant chargé, de la part de la reine, pour en être le porteur. Ce furent véritablement une scène et une représentation : le cardinal, à qui l’on avait désigné l’heure, se rendit chez la dame de Lamotte, le Ier février sur la brune, suivi d’un valet de chambre qui portait la cassette. Il le renvoya à la porte, et entra seul dans le lieu où on allait immoler sa bonne foi : c’était une chambre à alcove avec cabinet à porte vitrée. L’habile comédienne fit placer son spectateur dans ce cabinet, une lumière sombre éclairait l’appartement. Une porte s’ouvre ; une voix s’écrie : « De la part de la reine ! » Madame de Lamotte s’avance avec respect, prend la cassette, et la remet au prétendu envoyé. Ainsi se fit la remise du collier. Le prince, témoin caché et muet, crut reconnaître l’envoyé. Madame de