Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/356

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toinette, abandonnée à ses propres pensées, aurait sûrement agi avec cette loyauté ; mais elle prit conseil de deux hommes qui l’égarèrent l’un et l’autre par des motifs différens. »

Ici l’abbé Georgel se flatte de prouver que la reine ayant consulté l’abbé de Vermond et le baron de Breteuil, ce qui est vrai, ceux-ci laissèrent le cardinal s’engager de plus en plus dans le piége et prolongèrent son erreur pour le perdre plus sûrement, assertion dont la fausseté est prouvée par les Mémoires de madame Campan. Elle quitta Versailles le Ier août. Le 3, Bœhmer vint la voir à sa campagne. Le 6 ou le 7 seulement, la reine est instruite avec certitude ; et le 15, le cardinal est arrêté. Où trouver dans cette marche rapide rien des perfides délais que suppose l’abbé Georgel ? Cette réflexion de notre part n’est dictée que par le désir de trouver la vérité, et non par celui d’épargner à la reine des reproches de dissimulation qui ne pourraient l’atteindre, puisque Georgel n’accuse que l’abbé de Vermond et le baron de Breteuil de ces lenteurs concertées. Une autre circonstance allait précipiter le dénoûment de cet imbroglio scandaleux.

«  Le 30 juillet, jour fixé pour le premier paiement de cent mille écus, n’étant plus éloigné que de six à sept semaines, le cardinal, dont la présence était nécessaire pour ce paiement, fut rappelé dans le courant du mois de juin. Il arriva avec l’empressement d’un homme qui croit toucher à son but. Une petite lettre l’assura que tout était disposé pour l’accomplissement de ses désirs ; que dans peu il verrait l’effet des promesses de la souveraine : on ajoutait adroitement qu’on s’occupait à rassembler les fonds pour le premier paiement ; que des événemens imprévus mettaient de la gêne dans ce rassemblement ; qu’on espérait néanmoins qu’il n’y aurait aucun retard.

» En attendant, les assemblées du soir chez Cagliostro étaient charmantes ; on était dans la joie de la prochaine attente de l’heureux jour où la reine devait combler les vœux du grand-aumônier. La dame de Lamotte était seule dans le secret du contraire. Sainte-James, prosélyte de Cagliostro, fut admis dans ces