Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/355

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interrogé par moi sur ce fait, ne l’a pas nié, et il m’a formellement avoué que ses dépositions et celles de son associé dans ces procès avaient été subordonnées à la direction du baron de Breteuil ; qu’ils n’avaient pas suivi aveuglément tout ce qu’il aurait désiré, mais qu’ils furent obligés de taire et qu’il ne voulait pas qu’ils déclarassent. D’après une telle révélation, comment justifier Sa Majesté d’une connivence qui ne peut s’allier ni avec ses principes ni avec son rang ? Une manœuvre aussi indécente que celle de la dame de Lamotte, par laquelle on abusait du nom de la reine pour compromettre plus impunément et plus audacieusement un vol de cette importance, devait révolter la délicatesse et la probité de cette princesse. Comment, dès ce moment, son indignation n’a-t-elle pas éclaté ? Si la reine n’avait suivi que les premiers mouvemens de son honnêteté blessée, elle aurait sûrement averti les joailliers qu’on les avait trompés, et qu’ils eussent à prendre leurs précautions. En supposant même que la reine voulût se venger du cardinal et le perdre, ce qui s’était passé et ce qu’elle venait d’apprendre était plus que suffisant pour l’obliger à quitter sa place et la cour, et à se retirer dans son diocèse. La reine aurait fait un acte de justice dont personne n’aurait pu se plaindre ; le grand-aumônier eût été justement blâmé de sa crédulité ; la maison de Rohan eût été peinée de cette disgrâce, mais sans pouvoir la désapprouver ; il n’y aurait eu ni éclat scandaleux, ni Bastille, ni procès criminel. Marie-An-

    rance de n’être ni citée ni compromise ; cet aveu, que reçoit un anonyme, peut-il balancer la déclaration formelle et circonstanciée de madame Campan ? Si la reine n’apprend que sur une communication tardive, imprévue, le sens des premières déclarations de Bœmer ; si son ressentiment éclate aussitôt qu’elle est instruite, que devient la supposition faite plus bas par l’abbé Georgel d’un plan suivi avec calme, avec réflexion, et pendant long-temps, pour engager de plus en plus le cardinal dans le piége, l’y surprendre et le perdre ?

    (Note de l’édit.)