Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/359

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elle lui dirait ce qu’elle ne pouvait lui écrire sur le retour de ses bonnes grâces. La petite lettre, à tranche dorée, annonça effectivement cette heureuse nouvelle ; elle indiqua la nuit et l’heure du rendez-vous : jamais entrevue ne fut attendue avec autant d’impatience.

» La comtesse de Lamotte avait remarqué dans les promenades du Palais-Royal, à Paris, une fille d’une belle taille, dont le profil ressemblait à celui de la reine ; elle jeta les yeux sur cette fille pour être la principale actrice du bosquet. Elle se nommait d’Oliva : on lui persuada que le petit spectacle où elle allait être employée était désiré par la reine, qui voulait s’en amuser. La récompense offerte fit bientôt accepter ce rôle par une créature qui faisait trafic de ses charmes.

» Mademoiselle d’Oliva arriva donc à Versailles, conduite par M. de Lamotte dans un carrosse de remise dont le cocher a été entendu au procès. On la mena d’abord reconnaître le lieu de la scène où elle devait être secrètement conduite par M. de Lamotte : là on lui fit faire une répétition du rôle qu’elle devait jouer et des paroles qu’elle devait prononcer. Elle était prévenue qu’il se présenterait à elle un grand homme à redingote bleue, avec un grand chapeau rabattu, qui s’approcherait d’elle, lui baiserait la main avec respect ; qu’elle lui dirait à voix basse : « Je n’ai qu’un moment à vous donner ; je suis contente de vous ; je vais bientôt vous élever à la plus haute faveur ; » qu’ensuite elle lui remettrait une boîte et une rose ; qu’alors, au bruit des personnes qui s’approcheraient, elle dirait toujours à voix basse : « Voilà Madame et madame d’Artois, il faut s’éloigner. » On avait aussi montré au cardinal le bosquet convenu et l’endroit par où il devait entrer, en lui disant que là il pourrait épancher sans contrainte ses sentimens de dévouement, s’expliquer sur ce qui l’intéressait ; et que, pour témoignage de ses bontés, la reine devait lui remettre une boîte où serait son portrait, et une rose. Il était connu à Versailles que la reine se promenait quelquefois les soirs dans les bosquets avec Madame