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caractère plus décidé, M. de Vergennes eût imité la politique de Richelieu, en déclarant la guerre à l’Autriche, à la première incartade que cette puissance se fût permise, comme elle l’osa dans les affaires de Cologne, de Bavière et de l’Escaut. C’était dans le cœur du roi qu’il fallait attaquer la reine, et le prendre par son faible, par l’attachement filial qu’il portait à ses ancêtres et à son nom. Mais M. de Vergennes n’était pas capable de s’embarquer sur une mer aussi orageuse, et quoique ce plan, qui était du duc d’Aiguillon, fût connu, et qu’il m’ait été développé dans le temps par un homme très-adroit, très-politique, attaché à l’une des ambassades du duc de La Vauguyon ; ce projet, auquel le duc d’Aiguillon eût peut-être conduit la cour, s’il fût resté dans le ministère, était connu du parti opposé, des Choiseul qui, dès 1774, travaillèrent à le prévenir et à en donner sans cesse des avis à la reine. La nature des choses fit depuis ce que les intrigues ne purent accélérer. »

» C’est à l’âge de quarante ans, disait le parti d’Aiguillon, que nous attendons la reine, lorsque le roi sera épris d’une jeune beauté. Qui soutiendra cette favorite, ennemie naturelle de la reine, sinon le parti d’Aiguillon ? La reine n’arriva point à cette époque : les plaintes des Français, quelques succès de son frère en Europe et des voyages mystérieux en France, l’influence de sa sœur et son ambition, accélérèrent le moment fatal qui réunit contre elle le ressentiment, la haine, la vengeance et les plus atroces accusations.

» Dans cette situation qui devenait chaque jour plus critique, la reine obligea les Français, par toutes les ressources de son caractère, de son influence, à respecter la nouvelle diplomatie, au point que les anciens systèmes de notre cabinet ne furent plus connus que d’un petit nombre de maisons principales, telles que les Richelieu, les d’Aiguillon, les Broglie, les La Vauguyon, et de quelques diplomates habiles, tels que Favier, Peyssonel, obligés, sous peine de toutes sortes de disgrâces, de cacher leurs principes ; tandis que le sys-