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pératrice, et, dans tout ce qui a rapport à l’extinction de l’ordre, il sera parfaitement d’accord avec vous : j’en dis autant du marquis de Pombal ; d’ailleurs c’est un homme qui ne fait rien à demi.

Choiseul, je connais ces gens aussi bien que personne ; je sais tous leurs projets, tous leurs efforts pour répandre les ténèbres sur la terre, et pour troubler, pour régenter l’Europe depuis le cap Finistère jusqu’à la mer Glaciale.

Ils étaient mandarins à la Chine, académiciens, courtisans et confesseurs en France, grands de la nation en Portugal et en Espagne, et rois au Paraguay.

Si mon grand oncle, Joseph I, n’eût pas monté sur le trône, peut-être aurions-nous vu en Allemagne des Malagrida, des Aveiro, et une tentative de régicide. Mais il les connut à fond. Lorsqu’un jour le sanhédrin de l’ordre soupçonna son confesseur de probité, et que celui-ci manifesta plus d’attachement pour l’empereur que pour le Vatican, il fut cité à Rome. Prévoyant le sort cruel qui l’y attendait, il pria l’empereur de s’opposer à son voyage ; mais tous les efforts du monarque furent vains : le nonce lui-même exigea le départ du confesseur. Irrité de ce despotisme, l’empereur déclara que « s’il fallait absolument que ce prêtre allât à Rome, il n’irait pas seul, et que tous les jésuites des États autrichiens l’y accompagneraient pour ne plus jamais reparaître dans aucun lieu de la monarchie. »

Cette réponse inattendue, et presque téméraire pour l’époque, fit lâcher prise aux jésuites.

Tel fut l’esprit d’autrefois, Choiseul ; je le vois bien, il faut qu’il change.

Adieu, que le ciel vous conserve encore long-temps à la France, à moi et à vos nombreux amis !

Joseph.
Janvier 1770.