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La double représentation accordée au tiers-état occupait toutes les têtes politiques ; il n’y avait plus d’autre sujet d’entretien ; les uns prévoyaient tous les inconvéniens de cette mesure, les autres en exaltaient tous les avantages.

La reine adopta le plan auquel le roi avait consenti ; elle croyait que l’espoir d’obtenir des grâces ecclésiastiques maintiendrait le clergé du second ordre, et que M. Necker était assuré d’avoir la même influence sur les avocats et les autres gens de cette classe, qui formaient l’ordre du tiers. Monsieur le comte d’Artois s’étant rangé de l’opinion contraire, présenta au roi, en son nom et au nom de plusieurs princes du sang, un mémoire contre la double représentation accordée au tiers. La reine lui en sut mauvais gré ; ses conseillers intimes lui firent craindre alors qu’un parti ne voulût faire jouer un rôle à ce prince ; sa démarche était approuvée par la société de madame de Polignac ; et, depuis ce temps, la reine ne s’y rendait plus que pour éviter l’apparence d’un changement dans ses habitudes. Elle en revenait presque toujours affligée : on l’y traitait avec le profond respect que l’on doit à une reine ; mais les grâces touchantes de l’amitié avaient fait place aux devoirs d’étiquette, et son cœur en était vivement blessé. Le froid qui existait entre elle et M. le comte d’Artois lui était aussi fort pénible ; elle l’avait aimé comme l’on aime son propre frère.