Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/397

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quet, homme plein de courage et de dévouement pour le service de Sa Majesté. Ce capitaine devait recevoir de moi, chaque jour, les fonds nécessaires pour la dépense du lendemain, et l’ordre sur le sens dans lequel les tribunes devaient être dirigées d’après ce qui se serait passé dans la séance précédente ; il devait confier le tout à son ami qui, de son côté, devait le transmettre au chef de l’entreprise. Au moyen de tous ces échelons, cette manœuvre pouvait être éventée par trahison ou autrement, sans qu’il en résultât aucun inconvénient grave, parce qu’il suffisait de faire disparaître un seul des employés intermédiaires, pour couper court à toute découverte ultérieure, et empêcher qu’on ne parvînt jusqu’à moi. D’ailleurs, pour surveiller autant qu’il était possible la fidélité des agens de cette entreprise, et assurer en quelque façon un contrôle à cette dépense, j’étais convenu avec le juge de paix Buob qu’il enverrait tous les jours cinq de ses observateurs dont je lui payerais le salaire, dans chacune des tribunes, pour examiner ce qui s’y passait surtout dans les premiers rangs, calculer aussi exactement qu’ils le pourraient le nombre des individus huans ou applaudissans, et lui en rendre compte. On n’avait pas manqué de prévenir les adjudans que cette vérification était faite très-régulièrement par des agens de Pétion.

» Le roi me renvoya ce plan après y avoir réfléchi pendant vingt-quatre heures, et m’autorisa à en faire l’épreuve dans la semaine suivante ; voici quel en fut le résultat :

» Le premier et le deuxième jours, on se contenta de silencer les tribunes, c’est-à-dire d’empêcher toute espèce de huées et d’applaudissemens sous prétexte de mieux entendre, et c’était déjà une grande avance.

» Le troisième jour on commença à applaudir avec modération les motions et opinions constitutionnelles, et on continua d’empêcher que les motions et opinions contraires ne fussent applaudies.

» Le quatrième jour, on suivit le même plan, mais les applaudissemens furent plus vifs et plus prolongés. L’Assemblée n’y