Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/47

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la prièrent de ne rien donner à M. le dauphin, qui ne devait recevoir aucune espèce d’aliment qu’avec l’aveu de la Faculté. Je m’abstiens d’exprimer le déchirement de cœur qu’une pareille défense lui fit éprouver, d’autant plus que la reine n’ignorait pas que l’on avait l’injustice de croire qu’elle accordait une préférence marquée au duc de Normandie, dont la santé brillante et l’amabilité contrastaient, en effet, avec l’air languissant et le caractère mélancolique de son frère aîné. Elle ne pouvait au moins douter que, depuis assez long-temps, on n’eût eu le projet de lui ravir la tendresse d’un enfant qu’elle aimait en bonne et tendre mère, et que ses souffrances lui rendaient encore plus intéressant. Avant l’audience que le roi donna, le 10 août 1788, aux envoyés de Tipoo-Saëb, sultan, elle avait prié le duc d’Harcourt de détourner le dauphin, dont la difformité était déjà apparente, de l’idée d’assister à cette cérémonie, ne voulant pas, dans l’état de dépérissement où il était alors, l’exposer aux regards de la foule de curieux de Paris qui seraient placés dans la galerie. Malgré cette espèce d’injonction, on laissa cependant le dauphin écrire à sa mère pour qu’elle lui permît d’assister à cette audience. La reine fut forcée de le refuser, et en fit de vifs reproches au gouverneur qui lui répondit seulement qu’il n’avait pu s’opposer au désir d’un enfant malade. Un an avant la mort du dauphin, la reine avait perdu la princesse Sophie qui tétait encore ; ce premier malheur avait été,