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dans le ciel. » En répétant ce discours, sa voix était coupée par ses larmes et par ces mots douloureux : Ils ne le laisseront pas revenir !

Il était plus de quatre heures quand le roi, qui était parti de Versailles à dix heures du matin, entra à l’Hôtel-de-Ville. Enfin, à six heures du soir, M. de Lastours, premier page du roi, arriva ; il n’avait pas mis une demi-heure à venir de la barrière de la Conférence à Versailles. Tout le monde sait que le moment du calme à Paris fut celui où l’infortuné souverain reçut, des mains de M. Bailly, la cocarde aux trois couleurs, et l’attacha à son chapeau. Un cri de vive le roi partit alors de tous côtés ; il n’avait pas été une fois articulé auparavant : le roi respira à cet instant, et, les larmes aux yeux, s’écria que son cœur avait besoin de ces cris du peuple. Un de ses écuyers (M. de Cubières), lui dit que le peuple l’aimait, et qu’il n’avait jamais pu en douter. Le roi lui répondit avec un profond accent de sensibilité : « Cubières, les Français aimaient Henri IV, et quel roi l’a jamais mieux mérité ?[1] »

  1. La mémoire de Henri IV était chérie de Louis XVI : il redoutait alors sa fin déplorable ; mais long-temps avant il se le proposait pour modèle. Voici ce qu’on lit à ce sujet dans Soulavie :

    « L’écriteau et l’inscription Resurrexit, placés au pied de la statue de Henri IV, à l’avénement de Louis XVI à la couronne, le flattèrent infiniment. Le beau mot que celui-là ! disait-il ; s’il était vrai, Tacite lui-même n’aurait rien écrit de si laconique, ni de si beau.

    » Louis XVI aurait voulu prendre pour modèle le règne de