Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/69

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La nuit du 17 au 18 juillet, la reine, ne pouvant dormir, me fit veiller près d’elle jusqu’à trois heures du matin. Je fus très-surprise de l’entendre dire que l’abbé de Vermond serait fort long-temps sans reparaître à la cour, quand même la crise actuelle s’apaiserait, parce qu’on lui pardonnerait trop difficilement son attachement pour l’archevêque de Sens, et qu’elle perdait un serviteur bien dévoué ; puis, tout-à-coup, elle me dit que je ne devais pas l’aimer beaucoup, que cependant il était peu prévenu contre moi ; mais qu’il ne pouvait souffrir que mon beau-père occupât la place de secrétaire du cabinet. Elle ajouta que j’avais certainement étudié le caractère de l’abbé, et comme je lui avais fait quelquefois des portraits à l’imitation de ceux qui étaient en usage du temps de Louis XIV, elle me demanda celui de l’abbé, tel que je le concevais sans la moindre restriction. Mon étonnement fut extrême. Cet homme qui, la veille, était dans la plus grande intimité, la reine me parlait de lui avec beaucoup de sang-froid, et comme d’une personne qu’elle ne reverrait peut-être plus ! Je restai pétrifiée : … la reine persista, et me dit que, depuis plus de douze ans, il avait été ennemi de ma famille, sans avoir pu la desservir dans son esprit ; qu’ainsi je n’avais pas même à redouter son retour, quelque sévère que fût la manière dont je l’avais jugé. Je résumai promptement mes idées sur ce favori, et je me rappelle seulement que le portrait fut fait avec sincérité, en éloignant néanmoins tout ce qui pouvait