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donner l’idée de la haine. J’en citerai un seul trait : je disais que, né bavard et indiscret, il s’était fait singulier et brusque pour masquer ces deux défauts. La reine m’interrompit en disant : « Ah, que cela est vrai ! » J’ai eu occasion, depuis cette époque, de découvrir que malgré la haute faveur de l’abbé de Vermond, la reine avait pris quelques précautions pour se garantir par la suite d’un ascendant dont elle ne pouvait juger toutes les conséquences.

À la mort de mon beau-père, son exécuteur testamentaire me remit une boîte contenant quelques bijoux, déposés par la reine dans les mains de M. Campan, lors du départ de Versailles au 6 octobre ; puis deux paquets cachetés avec ces mots écrits sur l’un et sur l’autre : Campan me gardera ces papiers. Je portai les deux paquets à Sa Majesté qui garda les bijoux et le plus gros paquet, et me dit, en me remettant le moins considérable : « Gardez-moi cela comme a fait votre beau-père. »

Après la funeste journée du 10 août, au moment où ma maison allait être investie, je me décidai à brûler les papiers les plus intéressans dont j’étais dépositaire ; cependant je crus devoir décacheter ce paquet, qu’il était peut-être nécessaire que je conservasse à tout risque. Je vis qu’il contenait une lettre de l’abbé de Vermond à la reine. J’ai dit que, dans les premiers jours de la faveur de madame de Polignac, il avait résolu de s’éloigner de Versailles, et que la reine l’avait fait inviter par M. le