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jeunesse. Ma nièce répondait avec assez de force ; et je priai ce député de cesser un entretien qui ne pouvait en rien répondre à ses vues, puisque ces jeunes personnes et moi, vivions pour servir et aimer le roi. Pendant que je mettais ainsi un terme à cette conversation, quel fut mon étonnement de voir entrer dans la salle le roi, la reine et le dauphin ? C’était M. de Luxembourg qui avait opéré ce changement dans la résolution que la reine avait prise.

L’enthousiasme devint général : l’orchestre joua de nouveau, au moment de l’arrivée de Leurs Majestés, l’air que je viens de citer, et de suite un air du Déserteur : Peut-on affliger ce qu’on aime ? qui fit aussi beaucoup de sensation sur les spectateurs : on entendait des éloges de Leurs Majestés, des cris d’amour, des expressions de regret sur ce qu’elles avaient déjà souffert, des battemens de mains, des vive le roi, la reine, le dauphin. Il a été dit que des cocardes blanches furent mises aux chapeaux : le fait est faux ; il paraît seulement que quelques jeunes gens de la garde nationale de Versailles, invités à ce repas, retournèrent leurs cocardes nationales qui étaient blanchies en-dessous. Tous les militaires quittèrent la salle, et reconduisirent le roi et sa famille jusqu’à leur appartement. L’ivresse s’était mêlée à ces transports de joie : on fit des folies, on dansa sous les fenêtres du roi ; un soldat du régiment de Flandre escalada jusqu’au balcon de la chambre de Louis XVI, pour crier