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vive le roi plus près de Sa Majesté ; ce soldat devint, à ce que m’ont dit plusieurs officiers de ce corps, un des premiers et des plus dangereux de leurs insurgés, aux journées des 5 et 6 octobre. Le même soir, un autre soldat de ce régiment se tua d’un coup d’épée. Un de mes parens, chapelain de la reine, qui venait souper chez moi, le vit étendu à l’un des coins de la place d’armes ; il s’en approcha pour lui donner des secours spirituels, et reçut ses aveux et ses derniers soupirs. Il s’était tué de regret de s’être laissé corrompre par les ennemis de son roi, et disait que depuis qu’il l’avait vu, ainsi que la reine et le dauphin, ses remords lui avaient fait perdre la tête.

J’étais revenue chez moi, ravie de tout ce que j’avais vu : j’y trouvai beaucoup de monde : M. de Beaumetz, député d’Arras, écouta mes récits d’un air glacé, et lorsque je les eus terminés, me dit que ce qui venait de se passer était affreux ; qu’il connaissait l’esprit de l’Assemblée, que les plus grands malheurs suivraient de près la scène de ce soir, et qu’il me demandait la permission de se retirer pour délibérer, avec quelque réflexion, si, le lendemain, il devait émigrer ou passer du côté gauche de l’Assemblée. Il prit ce dernier parti, et ne reparut plus dans ma société.

Le 2 octobre, il y eut, par suite de ce repas militaire, un déjeuner à l’hôtel des gardes-du-corps : on dit qu’il y fut question de marcher sur l’As-