Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/84

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tous des cocardes noires. M. de Chevanne leur montre qu’il portait, ainsi que tout le corps, la cocarde de son uniforme ; il promet que les gardes allaient la remplacer par celle de la nation : l’échange se fait ; on va même jusqu’à faire celui des bonnets de grenadiers, contre les chapeaux des gardes-du-corps ; ceux qui étaient de poste, ôtent leurs bandoulières ; les embrassemens, la joie de fraterniser, succèdent à l’instant au désir furieux d’égorger cette troupe fidèle à son souverain. On cria : Vivent le roi, la nation et les gardes-du-corps !

L’armée couvrait la place d’armes, toutes les cours du château et l’entrée de l’avenue. On demande que la reine paraisse sur le balcon : elle s’y présente avec Madame et le dauphin. On crie : Pas d’enfans. Voulait-on la dépouiller de l’intérêt qu’elle inspirait, étant accompagnée de sa jeune famille, ou les chefs des factieux espéraient-ils que quelque forcené oserait diriger un coup mortel sur sa personne ? L’infortunée princesse eut sûrement cette dernière idée, car elle renvoya ses enfans, et, les yeux et les mains levés vers le ciel, elle s’avança sur le balcon, comme une victime qui se dévoue.

Quelques voix crièrent à Paris ! Ce cri devint bientôt général. Le roi, avant de se décider à ce départ, voulut consulter l’Assemblée nationale, et la fit inviter de tenir sa séance au château. Mirabeau s’y opposa. Pendant que ces messieurs délibéraient, la foule immense et désorganisée devenait de plus