Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/86

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manda cet horrible service, mourut de saisissement[1].

La marche fut si lente qu’il était près de six heures

  1. Rien n’est moins prouvé que l’atrocité dont parle ici madame Campan, et qui se retrouve aussi dans les Mémoires de Bertrand de Molleville ; ce qui est beaucoup plus certain c’est que les restes des malheureux gardes-du-corps qui périrent si noblement victimes de leur consigne et de leur dévouement, ne furent point portés, comme on l’avait dit d’abord, sous les yeux de Marie-Antoinette et du roi. Bertrand de Molleville ayant tracé le tableau de ce triste et funeste cortége, on va lire ce passage extrait de ses Mémoires.

    « Le roi ne partit de Versailles qu’à une heure. La reine, M. le dauphin, madame Royale, Monsieur, madame Élisabeth et madame de Tourzel étaient dans le carrosse de Sa Majesté. Les cent députés, dans leurs voitures, marchaient à la suite. Un détachement de brigands, portant en triomphe les têtes des deux gardes-du-corps, formait l’avant-garde et était parti deux heures auparavant. Ces Cannibales s’arrêtèrent un moment à Sèvres, et poussèrent la férocité jusqu’à forcer un malheureux perruquier à friser ces têtes sanglantes ; le gros de l’armée parisienne les suivait immédiatement. Avant le carrosse du roi arrivaient les poissardes arrivées la veille de Paris, et toute cette armée de femmes perdues, vil rebut de leur sexe, encore ivres de fureur et de vin. Plusieurs d’entre elles étaient à califourchon sur des canons, célébrant par les plus horribles chansons tous les forfaits qu’elles avaient commis ou vu commettre. D’autres, plus rapprochées de la voiture du roi, chantaient des airs allégoriques dont leurs gestes grossiers appliquaient à la reine les allusions insultantes. Des chariots de blé et de farine, entrés à Versailles, formaient un convoi escorté par des grenadiers, et entouré de femmes et de forts de la halle, armés de piques, ou portant de longues branches de peuplier. Cette par-