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propre pays. Il donnait souvent des preuves d’une finesse vraiment spirituelle. Un jour que la reine faisait répéter à Madame ses cahiers d’histoire ancienne, la jeune princesse ne se rappela pas à l’instant même le nom de la reine de Carthage ; le dauphin souffrait du manque de mémoire de sa sœur, et, quoiqu’il ne la tutoyât jamais, il lui vint à l’esprit de lui crier : « Mais dis donc à maman le nom de cette reine ; dis donc comment elle se nommait. »

Peu de temps après l’arrivée du roi et de sa famille à Paris, la duchesse de Luynes vint proposer à la reine, d’après l’avis d’un comité de constitutionnels, de s’éloigner pour quelque temps de la France, afin de laisser achever la constitution, sans que les patriotes pussent l’accuser de s’y opposer auprès du roi. Elle savait jusqu’où les projets des factieux avaient été portés, et son attachement pour la reine était la principale cause du conseil qu’elle lui donnait. La reine jugea parfaitement le motif de la démarche de madame la duchesse de Luynes, mais lui répondit que jamais elle ne quitterait ni le roi, ni son fils ; que si elle se croyait seule en butte à la haine publique, elle ferait à l’instant même le sacrifice de sa vie ; mais qu’on en voulait au trône, et qu’en abandonnant le roi, elle ferait seulement un acte de lâcheté, puisqu’elle n’y voyait que le seul avantage de sauver ses propres jours.

Un soir du mois de novembre 1790, je rentrai chez moi assez tard ; j’y trouvai M. le prince de Poix :