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il me dit qu’il venait me prier de contribuer à lui rendre le repos ; qu’au commencement de l’Assemblée nationale, il s’était laissé entraîner à l’idée d’un meilleur ordre de choses ; qu’il rougissait de son erreur, et qu’il détestait des projets dont les résultats avaient déjà été si funestes ; qu’il rompait pour la vie avec les novateurs, qu’il venait de donner sa démission comme député à l’Assemblée nationale ; qu’enfin il désirait que la reine ne s’endormît pas sans être instruite de ses dispositions. Je me chargeai de sa commission, et m’en acquittai de mon mieux : je n’eus aucun succès. Le prince de Poix resta à la cour, y souffrit beaucoup de dégoûts, et ne cessa de servir le roi, dans les commissions les plus dangereuses, avec le zèle qui a toujours distingué sa maison.

Lorsque le roi, la reine et les enfans furent convenablement établis aux Tuileries, ainsi que madame Élisabeth et madame la princesse de Lamballe, la reine reprit ses habitudes ordinaires : elle employait sa matinée à veiller à l’éducation de Madame qui prenait toutes ses leçons en sa présence, et elle entreprit de grands ouvrages de tapisserie. Son esprit était trop préoccupé des événemens et des dangers dont elle était environnée pour pouvoir se livrer à la lecture ; l’aiguille était la seule chose qui lui procurât quelque distraction[1]. Elle recevait la

  1. Il existe encore à Paris, chez mademoiselle Dubuquois, ouvrière en tapisserie, un tapis de pied fait par la reine et par